Qualiopi et la sous-traitance

Externaliser une partie d’une action de formation est souvent indispensable (expertise rare, pic d’activité, couverture géographique…). Mais dès que l’on sous-traite, la qualité ne se délègue pas : l’organisme donneur d’ordre reste responsable de bout en bout vis-à-vis des bénéficiaires et des financeurs. Qualiopi encadre précisément ces situations, avec des exigences qui se sont renforcées depuis 2024 pour le CPF.

1) Sous-traitance : de quoi parle-t-on exactement ?

Dans la formation professionnelle, il y a sous-traitance lorsqu’un organisme confie par contrat à une entité tierce l’exécution (partielle ou totale) d’une action de formation, sous sa responsabilité. Cette entité n’est ni salariée de l’organisme ni simple invitée ponctuelle : elle réalise une prestation pour le compte du donneur d’ordre. À l’inverse, l’intervenant extérieur ponctuel, qui n’assume pas la responsabilité pédagogique/administrative d’un groupe et n’exécute pas lui-même l’action, n’est pas nécessairement considéré comme « sous-traitant » au sens strict.

2) Ce que demande Qualiopi quand vous sous-traitez

Le Référentiel national qualité (RNQ) impose au prestataire certifié de s’assurer que le sous-traitant respecte les exigences du référentiel : c’est l’indicateur 27. Concrètement, le donneur d’ordre doit prouver qu’il a des critères de sélection, des modalités de coordination/transmission d’informations, des contrôles réguliers et une évaluation des compétences des intervenants sous-traitants. D’autres indicateurs mobilisent aussi la relation avec les intervenants externes (ex. mobilisation/coordination, compétences, actualisation). Le texte de référence demeure le décret n°2019-565 et son guide de lecture ministériel. 

Point de vigilance audit : si un sous-traitant ne respecte pas les exigences qualité, l’écart est qualifié de non-conformité majeure… portée par le donneur d’ordre.

3) CPF : des règles renforcées depuis le 1ᵉʳ avril 2024

Pour les actions éligibles au CPF, la sous-traitance est désormais encadrée par un ensemble de mesures « anti-fraude » :

  • Contrat écrit obligatoire, précisant missions, moyens, conditions de réalisation/suivi, durée/période, montant.

  • Plafond : un organisme ne peut plus sous-traiter plus de 80 % de son chiffre d’affaires annuel réalisé sur Mon Compte Formation.

  • Interdiction de cascade : le sous-traitant ne peut pas sous-traiter à son tour.

  • Exigences côté sous-traitant : NDA, obligations sociales/fiscales à jour, capacités pédagogiques, non-déréférencement MCF et, sauf exceptions, certification Qualiopi.

  • Exceptions à l’obligation Qualiopi sous-traitant CPF : micro-social avec CA annuel < 77 700 € HT, et interventions partielles qui ne préparent pas un bloc de compétences complet (RNCP) ou une certification RS entière.

À retenir : hors CPF, le sous-traitant n’a pas, par principe, l’obligation d’être certifié Qualiopi (la responsabilité qualité reste portée par le donneur d’ordre certifié). En CPF, l’obligation de certification s’applique au sous-traitant.

4) Contractualiser « Qualiopi-proof » : les clauses à prévoir

Pour démontrer votre maîtrise (ind. 27), intégrez dans vos contrats et votre procédure d’achats/partenariats :

  1. Objet & périmètre : préciser si la mission porte sur un module/bloc, la part sous-traitée, et interdire expressément toute sous-traitance en cascade (CPF).

  2. Exigences RNQ : lister les attendus documentaires (supports, feuilles d’émargement ou équivalents numériques, évaluations, traçabilité, accessibilité, gestion des réclamations…).

  3. Compétences & conformité : pièces à fournir avant démarrage (CV, diplômes/équivalents, justificatifs d’actualisation, NDA, attestation Qualiopi si CPF et non-exonéré, attestations sociales/fiscales).

  4. Coordination & transfert d’infos : modalités de briefing, d’accès aux ressources (référent pédagogique/qualité, modèles, LMS), délais de remontée des preuves.

  5. Droit d’audit & remédiation : audits à blanc, plan d’actions en cas d’écart, possibilité de suspension/résiliation.

  6. Protection des données (RGPD), propriété intellectuelle, confidentialité, sécurité (notamment pour classes virtuelles/outils).

Ces éléments traduisent la maîtrise attendue par l’ind. 27 et par le guide de lecture. 

5) Diligences « qualité » côté donneur d’ordre : opérationnel

  • Sélectionner : grille d’évaluation (compétences pédagogiques/techniques, références, conformité administrative).

  • Qualifier l’intervention : sous-traitance « exécution » vs. intervention ponctuelle d’expertise ; vérifier le besoin CPF (Qualiopi obligatoire ou non selon le cas).

  • Briefer & outiller : modèles de déroulés, gabarits d’évaluations, consignes accessibilité, livrables attendus, nommage des preuves.

  • Suivre & tracer : check-list des pièces à réception (avant/pendant/après), indicateurs (taux de présence, satisfaction, atteinte des objectifs, incidents/écarts), CR de points de coordination.

  • Évaluer & améliorer : revue périodique des sous-traitants (notes, décisions « continuer / améliorer / arrêter »), intégration au plan d’actions qualité.

Ces pratiques répondent à la logique RNQ (maîtrise des processus, amélioration continue) et limitent le risque de non-conformité majeure liée à un tiers.

6) Erreurs fréquentes… et comment les éviter

  • Erreur 1 : considérer qu’un freelance non salarié = intervenant « invité » ⇒ non, si l’exécution de l’action lui est déléguée, c’est de la sous-traitance (contrat + maîtrise qualité).

  • Erreur 2 : penser que « c’est le sous-traitant, donc pas notre problème » ⇒ faux, l’écart est majeur pour le donneur d’ordre.

  • Erreur 3 : oublier les règles spécifiques CPF (plafond 80 %, Qualiopi sous-traitant sauf exceptions, pas de cascade, contenu minimal du contrat).

  • Erreur 4 : ne pas documenter la coordination et la collecte de preuves ⇒ difficile à défendre en audit (ind. 27). 

7) Mini-checklist « prêt à auditer »

  • Contrat de sous-traitance écrit + clauses RNQ/CPF adaptées.

  • Dossier sélection & conformité sous-traitant : NDA, attestations sociales/fiscales, compétences, Qualiopi si CPF (ou justification d’exception), non-déréférencement MCF.

  • Procédure coordination & preuves : qui transmet quoi, quand, comment ; modèles fournis ; droit d’audit.

  • Tableau de suivi des interventions (plafond 80 % CPF, indicateurs, réclamations, plans d’actions). 

En conclusion

Sous-traiter n’est pas renoncer à la qualité : c’est l’orchestrer. Avec un contrat carré, des critères de sélection clairs, une coordination outillée et des contrôles tracés, vous sécurisez l’indicateur 27 et, en CPF, vous restez dans les clous. C’est aussi un levier d’excellence opérationnelle : la bonne sous-traitance élargit l’offre… sans diluer votre promesse qualité.

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