Avant d’ouvrir la salle ou la classe virtuelle, un organisme de formation performant vérifie qu’il met la bonne personne au bon endroit, au bon niveau. C’est exactement la finalité du positionnement à l’entrée : apprécier les acquis, besoins et contraintes d’un bénéficiaire afin d’ajuster le parcours (contenus, durée, modalités, prérequis). Cette exigence n’est pas une option : elle est portée par l’indicateur 8 du Référentiel National Qualité (RNQ), socle de la certification Qualiopi. Le texte officiel demande au prestataire de déterminer des procédures de positionnement et d’évaluation des acquis à l’entrée de la prestation, avec un niveau d’attendu proportionné aux publics et aux formats proposés.
Au-delà de la conformité, ce positionnement évite les contenus redondants, sécurise les prérequis et améliore la satisfaction, donc l’efficacité globale de la formation. C’est aussi un point de vigilance pour les auditeurs Qualiopi, car il conditionne l’adaptation des parcours (critère 2 du RNQ).
Le cadre officiel en bref
- Base juridique et référentielle : la certification Qualiopi est issue du décret du 6 juin 2019 et se décline dans le Guide de lecture Qualiopi publié par le Ministère du Travail. L’édition V9 précise les attendus et exemples de preuves pour chaque indicateur, dont le n° 8.
- Champ d’application : Qualiopi s’impose aux prestataires d’actions concourant au développement des compétences qui souhaitent bénéficier de financements publics ou mutualisés (OPCO, Régions, Caisse des Dépôts pour le CPF, etc.).
Concrètement, qu’attendent les auditeurs sur l’indicateur 8 ?
1) Une procédure formalisée, simple et proportionnée
L’organisme décrit clairement son dispositif de positionnement : finalités, supports, critères de réussite/lecture, calendrier (avant l’entrée, ou au tout début quand c’est pertinent), et responsabilités (qui administre, qui interprète, qui décide des ajustements). Cette procédure doit être adaptée aux publics (salariés, demandeurs d’emploi, apprentis) et aux modalités (présentiel, distanciel, etc.).
2) Des outils de recueil pertinents
Selon la nature des compétences visées, on attend un panel raisonné :
- Entretien de positionnement (questionnement structuré sur l’expérience, les objectifs, les contraintes).
- Tests/quiz ou mises en situation (échantillon de tâches représentatives, QCM de prérequis).
- Auto-positionnement guidé (échelle de maîtrise avec définitions claires).
- Analyse de pièces (CV, portfolio, certifications déjà obtenues).
Le Guide de lecture admet différents formats, l’essentiel étant la cohérence avec les objectifs et la preuve de l’exploitation des résultats.
3) Une traçabilité exploitable
Deux volets sont attendus :
- La preuve du recueil (formulaire complété, grille signée, enregistrement du quiz, compte-rendu d’entretien).
- La preuve de l’ajustement (parcours individualisé, allègements, modules supplémentaires, tutorat renforcé, rythme aménagé).
Sans lien explicite entre le diagnostic et les décisions pédagogiques, la conformité est fragile.
Comment bâtir un dispositif robuste
Étape 1 : cadrer le “pourquoi” et le “comment”
Rédigez une procédure lisible (1 à 2 pages) : objectifs, personnes impliquées, supports utilisés, seuils d’alerte (ex. prérequis non atteints), délais de traitement, consignes RGPD, modalités de conservation. Adossez-la au référentiel interne (niveaux attendus par compétence).
Étape 2 : sélectionner des outils équilibrés
- Compétences cognitives : quiz de prérequis, micro-études de cas.
- Compétences pratiques : mini mise en situation (capture vidéo possible à distance), échantillon de production.
- Soft skills/contraintes : entretien structuré (disponibilité, rythme, équipement, accessibilité).
Pour chaque outil, documentez la grille d’analyse et le seuil déclenchant un allègement ou un renforcement.
Étape 3 : automatiser ce qui peut l’être
Un formulaire en ligne, un QCM chronométré et un modèle de compte-rendu vous font gagner du temps. L’essentiel : interpréter (et non juste collecter) les résultats et consigner la décision pédagogique (ex. programme “standard” vs “avancé”, ajout d’un module de remise à niveau).
Étape 4 : relier diagnostic, parcours et convention
Faites apparaître dans le programme/feuille de route les adaptations décidées : durée ajustée, séquences allégées, ressources complémentaires, jalons de suivi. Assurez la cohérence documentaire : le positionnement justifie l’ingénierie, qui justifie la convention/contrat et les éventuels allègements.
Preuves à conserver (check-list opérationnelle)
- Procédure interne de positionnement (versionnée, diffusée).
- Outils : trame d’entretien, quiz/test, grille d’auto-positionnement, mise en situation type.
- Dossiers apprenants : trace du positionnement (date, auteur, résultats) + décisions d’adaptation (parcours individualisé, allègements, “prérequis non atteints → réorientation” si besoin).
- Communication : information claire des prérequis et des modalités de positionnement (site, fiches programme, livret).
- Pilotage : un échantillonnage en revue de direction (qualité) pour vérifier l’exploitation effective des données de positionnement.
Erreurs fréquentes et comment les éviter
- Se limiter à une case cochée (“test fait”) sans trace d’analyse ni impact sur le parcours. → Remédier en imposant une note d’interprétation brève signée par le formateur/référent.
- Outils génériques déconnectés des compétences visées (ex. QCM transverse pour une formation très technique). → Concevoir des mises en situation ciblées représentatives des activités du référentiel de compétences.
- Absence d’information préalable des bénéficiaires (prérequis flous, modalités de test inconnues). → Mettre à jour les fiches programme et la page web formation ; envoyer la convocation avec les modalités du positionnement.
- Données non sécurisées (RGPD) ou conservées trop longtemps. → Décrire les durées et droits d’accès dans la procédure, et appliquer vos règles d’archivage.
Et côté parties prenantes : financeurs, entreprises, bénéficiaires
Le positionnement contribue à justifier la pertinence des financements (adéquation besoin-parcours) et à rassurer les entreprises sur l’investissement formation. Il clarifie le point de départ du bénéficiaire : utile pour l’engagement, la prévention de l’abandon et l’évaluation des progrès en fin de parcours (effet “avant/après”).
Modèle de trame minimaliste (à adapter)
- Objectif visé : compétences attendues / contexte professionnel.
- Prérequis annoncés : atteints ? (Oui/Non/Partiel) → actions correctives.
- Éléments de preuve : résultats quiz/mise en situation, entretien (forces/risques).
- Décision d’ingénierie : allègement, modules additionnels, tutorat/rythme, ressources.
- Information au bénéficiaire : parcours et jalons, modalités d’accompagnement.
- Signature et date (formateur/réf. pédagogique).
En synthèse
Le positionnement à l’entrée n’est ni un “test de plus” ni un rituel administratif : c’est le pivot de l’adaptation des prestations et l’un des meilleurs leviers d’efficacité pédagogique et de satisfaction. Un dispositif clair, proportionné et traçable couvre l’essentiel : une procédure lisible, des outils pertinents, une interprétation documentée, et des décisions visibles dans le parcours. En maîtrisant ces points, vous rendez l’audit serein… et la formation plus juste pour chacun.